Le “flygskam”, un phénomène bientôt mondial ?

Publié le 25 Juin 2019

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Le flygskam suédois

Qui n’a pas rêvé de faire le tour du monde ? Le faire oui, mais de manière responsable. Nos déplacements ont en effet un impact sur l’environnement. Mais changeons-nous pour autant nos comportements ? Les Suédois, eux, prennent de plus en plus conscience de l’impact carbone lié à leurs déplacements. Ils ont même commencé à modifier leur façon de voyager.

Victimes du succès de l’avion

Les Suédois voyagent en moyenne 5 fois plus que leurs voisins européens, sans doute pour s’éloigner d’hivers très longs. Si l’on en croit les résultats de la campagne “Now or Never” réalisée auprès de 11 000 de ses passagers par la compagnie aérienne scandinave SAS, la destination préférée des Suédois est Tokyo. Or en effectuant un aller-retour Stockholm-Tokyo, un passager émet 3,51 tonnes de CO₂.

On comprend ainsi mieux qu’alors que les émissions de CO₂ en Suède aient baissé de 24% depuis 1990 alors que celles liées aux transports aériens ont augmenté de 61%…

Train ou avion, les Suédois ont choisi

Il ne faut pas oublier qu’une partie de la Suède est exposée au cercle polaire où la glace fond de plus en plus vite, sensibilisant la population aux enjeux climatique et à l’importance de la neutralité carbone. Les Suédois voient les dégâts environnementaux causés par les activités humaines.

C’est ainsi qu’une nouvelle tendance a vu le jour : le “flygskam”, littéralement la “honte de prendre l’avion”. C’est l’un des 33 mots qui a fait son apparition dans le dictionnaire suédois en 2018. Le terme désigne un mode de vie qui privilégie d’autres moyens de transport que l’avion. Les Suédois sont nombreux à ne plus vouloir utiliser le transport aérien. Au cours du premier trimestre de l’année 2019, l’Agence suédoise des transports a ainsi conclu que le nombre de passagers avait diminué de 4,1% pour les vols internationaux et de 5,6% pour les vols intérieurs sur l’ensemble des 38 aéroports du pays (en comparaison avec la même période l’année précédente).

Dans ce contexte de désamour pour l’avion, il est intéressant de constater que le pays a vu naître sur les réseaux sociaux un nouveau hashtag nommé “trainbrag” qui fait référence à la “fierté de prendre le train”.

Cet engouement pour le train se fait d’ailleurs ressentir au niveau des sociétés de transport telles que l’entreprise SJ AB, principal opérateur ferroviaire du pays, qui a vu son chiffre d’affaires augmenter de 10% toujours au cours du premier trimestre de l’année 2019. La vente des billets Interrails a quant à elle augmenté de 60% en 2018.

Des personnalités qui montrent l’exemple

Il faut dire que de nombreuses personnalités montrent l’exemple. Greta Thunberg, la jeune activiste de 16 ans, qui a récemment reçu le prestigieux prix d’«ambassadrice de conscience» par Amnesty International, a effectué un voyage de 32 heures de Stockholm pour se rendre au forum économique de Davos en Suisse en janvier 2019. Amanda Lind, la ministre de la culture suédoise, a réalisé un voyage de travail de 10 jours en train. Bjorn Ferry, ancien biathlète et désormais commentateur sportif très populaire en Suède, refuse de prendre l’avion pour commenter les différents événements sportifs : il ne prend plus que le train.

Créée en 2014, la page Facebook Tagsemester, soit ‘les voyages en train”, compte désormais près de 83 500 membres. A l’échelle de la population suédoise, c’est comme si 600 000 Français suivaient cette page.

Susanna Elfors, créatrice de la page, a organisé à Stockholm à la fin du mois de mars le premier salon destiné aux vacances en train. «Le marché du rail est resté très national et il n’y a pas de système de réservation commun, sauf dans quelques pays frontaliers, raconte-t-elle. Alors au début, il s’agissait de s’échanger des tuyaux sur la façon la plus économique et la plus pratique de voyager en train en Europe… Et puis, l’année dernière, les choses se sont emballées.» raconte-t-elle.

Un compte Instagram nommé Aningsolsa Influencers montre également l’impact écologique des voyages en avion des célébrités. Dans la même logique, le journal Dagens Nyheter a récemment publié une tribune que 250 personnes du monde du cinéma ont signée pour réclamer une diminution des tournages à l’étranger afin de réduire leur impact carbone.

Un flygskam exportable ?

La honte de prendre l’avion a déjà franchi les frontières. En Norvège et en Finlande, des internautes commencent à délaisser l’avion eux aussi. Le “flygskam” est déjà devenu “vliegshaamte” aux Pays Bas, “flugscham” en Allemagne et « avihonte » en France.

Il n’est d’ailleurs pas anodin que les Pays-Bas et la Belgique poussent leurs homologues européens à mettre en place une taxe européenne sur les voyages, à l’image de ce qui existe déjà en Suède (depuis le printemps 2018).

Mais dans le même temps, la compagnie aérienne low-cost Ryanair est également entrée dans le top 10 des plus gros pollueurs d’Europe aux côtés des exploitants de centrales de charbon…

C’est pourtant l’une des compagnie aérienne les plus modernes : ses avions consomment relativement peu de carburant. Son entrée dans le top 10 des pollueurs européens s’explique par l’augmentation permanente du nombre de personnes prenant ses avions. En 2017, la compagnie irlandaise a ainsi enregistré un chiffre record de 120 millions de passagers transportés.

Dans le monde, en 2018, ce sont plus de 4 milliards de passagers qui ont pris l’avion, soit une augmentation de plus de 6% par rapport à l’année précédente. Selon les estimations du trafic aérien international (IATA), le trafic aérien pourrait même doubler d’ici 2037.

Même si l’aéronautique n’est responsable que de 2 à 3% des émissions de CO₂ mondiales, ses rejets ont ainsi augmenté de plus de 26% sur les 5 dernières années en Europe.

Dans un contexte d’urgence climatique, le flygskam aurait peut-être intérêt à faire des émules à l’échelle planétaire…

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